Résumé
Quasiment ignorée par la convention chargée de l’élaboration du projet de traité constitutionnel, la question de « l’Europe sociale » n’a pourtant cessé d’alimenter les débats politiques, économiques et juridiques au cours des deux dernières décennies, y compris lors du débat référendaire français ayant abouti au rejet de ce traité. Au-delà des discours désormais habituels et répondant aux appels à « plus » d’Europe sociale à l’occasion de chaque scrutin européen, la gestion « austéritaire » de la crise bancaire, financière et budgétaire par l’Union européenne a suscité un mouvement bien plus profond de (re)mise en question du projet social européen. Les droits sociaux, pourtant constitutionnalisés au sein de la charte des droits fondamentaux de l’UE, ont été disqualifiés, faisant l’objet d’une mise à l’écart à la fois par la Commission européenne et par la Cour de justice de l’UE. En réaction à la désaffection citoyenne et aux menaces pesant sur la démocratie européenne, la Commission a imposé en 2017 le socle européen des droits sociaux comme l’outil d’une refondation politico-juridique de l’Europe sociale. Cette initiative a permis une impressionnante relance de la politique sociale de l’UE dans son domaine législatif phare, les conditions de travail. Cet aspect quantitatif ne saurait cependant masquer l’arrimage renforcé de la politique sociale dans l’Union économique et monétaire au service du marché intérieur. Dès lors, selon l’approche critique adoptée ici, le mouvement observable depuis l’échec du traité constitutionnel est celui d’une déconstitutionnalisation de l’Europe sociale.
Publié dans Mouvements 2025/2 N°120 pages 34-43
https://doi.org/10.3917/mouv.120.0034
Date de mise en ligne : 13/05/2025