En 2012, pour la première fois de sa longue histoire, l’Organisation internationale du travail (OIT) voit son système de contrôle des normes internationales du travail paralysé par un conflit interne initié par le groupe des employeurs lors de la Conférence internationale du travail. Les délégués patronaux contestent en effet la protection du droit de grève par la Convention no 87 ainsi que la légitimité de la Commission d’experts pour l’application des conventions et des recommandations à interpréter cette Convention. J’analyse ce conflit inédit comme une mobilisation patronale transnationale dont il convient d’expliquer la genèse. Je présente tout d’abord les raisons de ce conflit : d’une part, les évolutions de l’OIT depuis la fin de la guerre froide ; d’autre part, l’audience accrue des normes internationales du travail. Je propose ensuite une analyse sociologique des entrepreneurs de la mobilisation. Je montre qu’il s’agit d’avocats issus de grands cabinets anglo-saxons spécialisés dans le conseil antisyndical. Ceux-ci se caractérisent par un style juridique antagoniste (adversarial legalism), qui se situe à rebours de la logique du consensus tripartite de l’OIT.